Le paradoxe de l'archer

Déambulant au gré de la foule, la branche supérieure de mon arc dominant en hauteur celle de la cohue défilant en cortège dans les rues, je m'arrêtais devant une échoppe, où était disposé un carquois garni et plusieurs cibles disposées sur la place étriquée aménagée en arrière de la boutique.

"Ohé, marchand ! Combien pour ce carquois de flèches aux encolures d'argent?"

Le commerçant parut, semblant lassé de son activité et doté d'une taille également peu propice à un négoce de tels articles, mais à la vue de la rôdeuse il esquissa un sourire grabuleux que je ne manquais pas de remarquer avec un dégoût prononcé.

"Setante pièces le semi-carquois pour toi, jètek."

~Comment ce nabot m'a-t-il donc appelée?~

"Et pour moi, combien en donnerais-tu, Cleedel?"
Observant impetueusement le négociant, l'assassin, alors qu'il attendait une réponse de celui-ci à sa narquoise interrogation, déporta son regard vers l'elfe qui se tenait devant lui, un rictus le défigurant momentanément lorsqu'il saisit l'espèce à laquelle appartenait la sombre créature.
*Une elfe... Son regard est bien noir pour une si pathetiquement buccolique vermine.*

"Cent pièces, humain, et sans arc."

Tentant de ne pas tenir compte de l'humain présomptueux qui venait de s'immiscer dans mon négoce, je ne parvins à en faire abstraction, le regard qu'il portait sur moi semblant empreint d'une extraordinaire suffisance. M'avançant légèrement, alors que dans mon dos la foule défilait nonchalament, je m'insurgeais contre cet individu.

"Mais je m'adressais à ce camelot en première, alors veuillez patienter."

~Je ne suis invisible au point qu'un pouilleux ne tente de prendre ma place, tout de même.~

Ne laissant paraître qu'un pâle sourire à la remarque de l'elfe, l'assassin signifia son désinterêt de l'affaire au marchand, s'éloignant alors qu'il parlait de l'échoppe.
"N'aies nulle crainte Oreilles Pointues, je te laisse à ton négoce. Je n'ai rien à faire avec un escroc, pas moins que toi."
Quittant les deux créatures, se mêlant à la foule, Femesch s'arrêta quelques mètres plus loin toutefois, son attention se portant sur l'être elfique, doté d'un caractère interessant pour un individu de son espèce.

~Qu'est-ce cet individu? Je n'avais jamais vu autant de suffisance auparavant.~

"Comme l'a dit cet humain, tu brade bien les prix pour un commerçant. Laisse moi te donner cinquante pièces de ce carquois, et je n'irai te faire de mauvaise réputation, charlatan."

Suivant du regard l'humain, je le laissais se mêler à la foule pour foudroyer du regard le négociant, laissant apparaître un sourire narquois alors que je lui énonçais mes conditions, et était parée s'il le fallait à agir s'il ne recevait posement ma proposition.

"Ohé, va-donc si ça te chante, garce. Si ça ne te plais pas, dégage, ou j'appelle la garde !"

Demeurant muette, la haine se lisant dans mon regard, je délaissais l'échoppe, puis alors que je commençais à marcher parmi la cohue, je poussais violemment un habitant vers la minable échoppe, qui en se heurtant aux établis vint faire s'abattre la toile tendue au-dessus du commerce. Rapidement, alors que la foule était désorientée et que les regards se fixaient sur l'action, je me saisissais du carquois et disparaissais rapidement, filant dans la masse, puis m'arrêtant alors que j'étais suffisament loin, et que ce négociant n'avait pour ce larcin que des suspects à revendre.

~Ca t'apprendra minable. Ce goujat humain avait raison, mais bien fol qui tente d'exciter une rôdeuse.~

"Félicitations. Vous avez finalement réussi à avoir ce carquois, et ce sans avoir eu à être confrontée à ce brigand."
Ayant suivi l'elfe depuis ses déboires, étant resté à l'écart, pressentant quelque action désormais passée de la créature, l'assassin avait rejoint celle-ci dans son abri momentané, loin des gardes et de la foule qui s'affôlaient et dont on percevait les voix tonitruantes et bruyantes depuis le négoce saccagé par cette rôdeuse.

"Brigand? Un cleedel se croyant plus malin qu'un autre, voilà tout. Vous semblez satisfait, serait-ce par la suffisance de vos avertissements?"

Surprise que l'humain m'ai suivi, j'eus un soubresaut, qui me fit reculer de quelques pas vers un mur, ne m'aculant heureusement pas. Ne portant un regard emplit avec autant d'égard qu'à l'escroc que j'avais dépossédé à cet individu, je revins légèrement vers lui, et lui demandais, méfiante:

"Et que fait de toutes façons un humain ici? Votre existence n'est pas connu des Cleedels, heureusement, songeriez-vous à inculquer votre savoir de miserables à ces créatures?"

"Ne soyez désobligeante, Oreilles Pointues. Je considère seulement votre capacité à fuir vos poursuivants, elle est impressionante pour un être de votre espèce."
L'assassin dévisageait l'elfe plus froidement désormais, cette reflexion de la créature, empreinte de haine, suscitant sa colère, et amenant Femesch à prendre en compte l'impetuosité de cette rôdeuse.

"Gardez votre fiel ! Je ne suis une bête que l'on mesure, et vous n'avez pas répondu à cette question qui pour l'heure empêche ma main de se saisir de mon arme pour achever cette conversation."

Diable, quelle impetuosité ! Ce maudit humain me poussait hors de mes limites, par ce dédain dont il semblait emprunt, et la suffisance de son ton, dans lequel je me retrouvais toutefois. Poings serrés, alors qu'un seul mouvement m'aurait suffit pour qu'en un instant je fus armée, je plongeais mon regard dans celui de l'humain, le soutenant, puis tentant de n'être déstabilisée par son état qui se détaillait dans mon esprit.

~Serait-ce... un meurtrier?~

"Je suis ici pour affaires, des affaires qui ne vous concernent pas. Je ne connaissais cet endroit autrefois, voilà tout..."
Regardant froidement l'elfe, l'assassin recula de quelques pas de la créature, méfiant, sentant qu'elle était parée à se saisir de son arme ainsi que son regard empreint de colère le laissait entendre.

PS: Désolé de cette absence, et de ce retour si stérile, Sybas.

"Pfff, mes affaires ne vous concernent davantage, humain, mais vous avez osé y prendre part, tout de même. Vous intriguez bien trop, pour quelqu'un qui ne choisit ses réponses qu'avec trop de soins !"

Elevant la voix, je raillais tout de même ce pathetique être, qui n'avait pas même répondu à toutes mes interrogations. Je brûlais de me saisir de mon arc, mais même s'il était bien impudent, je doute qu'il ne m'eut déjà tué si il ne trouvait point d'interêt à me parler. Un chineur? Il pourrait être servi, ce scélérat !

"L'attrait pour votre négoce a été l'un de mes choix, ma profession exige de savoir faire cela, elfe. Mais avec rôdeuse de votre trempe, je me dois désormais de vous demander quelque chose, mais ne saurais trop vous conseiller de refuser..."
Demeurant totalement neutre, l'assassin répondit aux insultes de la rôdeuse sans ployer, méfiant, mais sachant au moins sur quel pied danser pour l'heure, pouvant en un mouvement aussi rapidement que la femme empoigner son arme, mais n'y songeant pas, alors qu'il saisissait à quel point ses doutes étaient reciproques.

"Parlez, en ce cas, mais promptement. Si vous deviez essuyer un refus, que celui-ci soit effectué le plus vite, je n'ai pas de temps à perdre avec un humain."

Ne relâchant mon attention, j'attendais les explications de ce malandrin, qui semblait au moins doté d'un certain flegme, mais dont l'assurance n'était que par trop deconcertante.

*Par Tibor, ce rustre est bien trop posé pour n'être qu'un novice appetant.*

"Vous semblez être versée dans l'art de l'archerie, et au moins avoir l'oeil pour repérer un bon artefact sur un étal à longue distance. Comme vous avez du le remarquer, par habitude, rôdeuse, je suis un assassin. Je ne connais que peu ces lieux, j'ai repéré quelques points, mais certains demeurent trop obscurs, encore. Pour accomplir un contrat, j'aurais besoin de votre support, enfin si vos capacités sont suffisantes."
A mesure qu'il parlait, Femsch s'attardait sur les mains de l'elfe, observant cette détente, qui ne souffrait de nul relachement, son poignet toujours prompt à se mouvoir avec rapidité jusqu'à son arc ou l'empennage d'une flèche. Ne sachant toutefois ce qui pourrait interesser cette elfe, l'assassin demeurait silencieux désormais, en attente d'une réaction de la rôdeuse, quelle qu'elle soit.

"Quelles que soient mes capacités, elles semblent vous être necessaires, ce n'est moi qui suis acculée. Bien, poursuivez, voyons jusqu'à quel point votre idée est si stupide, et ce qui pourrait ressortir de telle collaboration."

Riant narquoisement, je regardais l'humain, apposant mes poignets sur mes hanches, regardant de biais cet assassin, le raillant tant que l'écoutant, feignant le dédain alors qu'il avait toute mon attention, pour l'heure, mon intuition me prévenant de quelque proposition scabreuse, mais mon désir d'aventure, autant que mon appât du gain objectif, me dictant d'attendre une réponse de l'humain à l'âme aussi sombre que ses vêtements étaient resplendissants.

"Il est vrai. Si vous n'aimez pas les fioritures, alors il ne vous reste qu'à écouter, elfe. La personne que je cherche se dissimule derrière une enceinte, dont les remparts sont parcourus de pointes de lances, brandies avec ferveur par des sentinelles que je sais prêtes à tout. Dans ce pays où je n'ai personne d'autre pour m'aider à opérer, mon choix c'est porté sur vous, archère. Je ne vous demande pas de m'apprécier, cette antipathie est réciproque, mais du haut d'un poste, peut-être une tireuse émerite pourrait-elle me couvrir de ces gardes qui auraient vite fait de me repérer et de m'empaler s'il n'y avait de traits fondant sur eux avant qu'ils n'aient pu m'atteindre..."
Bien que n'étant en rien compliqué, ce plan requierait la présence d'un archer compétent, ainsi que semblait l'être cette elfe, mais l'expression qu'elle affichait, outre ses propos impetueux, ne semblaient augurer qu'une negociation obligée, sa vénalité semblant évidente, d'autant qu'aucun doute ne planait de même sur la branche de rôdeurs dont elle était issue. En attente de la sempiternelle question, l'assassin désignait d'un hôchement de tête des hausses murailles paraissant au loin, sa figure demeurant elle neutre, le regard du spadassin détaillant le visage de la rôdeuse.

HJ: Haha, la question du paiement va-t-elle venir? Twisted Evil

"Cessez de me regarder ainsi, meurtrier."

M'indignant, ne haussant que peu le ton, j'étais mécontentée du regard que m'accordait cet assassin, et lui faisait donc remarquer acidement, ne m'étalant davantage sur cette attitude par trop impetueuse, et me réinvestissant dans la conversation en cours, les détails majoritaires semblant présentés, hormis un point resté inabordé, et qui laissait donc mon avis en suspens, cette périgrination semblant, bien que grossièrement, pensée et abordable, seul le dédomagement me menant à regarder fixement l'humain, tandis que mes traits devenaient plus sévères, et que mes lèvres se pinçaient.

"Oh, quel magnifique plan, une orchestration remarquable, mais qu'en est-il du prix? Combien toucherez-vous pour pareille opération, histoire que je sache estimer la part qui me serait due, la vie est déjà bien assez dure, après tout..."

"Hm, j'aurais cru que votre interêt interviendrait plus tôt, enfin il me faut au moins clarifier les choses sur l'instant, elfe. Je ne recevrai directement de paie pour ce contrat, mais malgré l'argent qui pourrait être reversé par des tiers 'satisfaits' de telle opération, comprenez qu'il serait difficile d'estimer ce qui n'a de valeur pour l'heure... Tout sera une question de confiance, je n'ai guère que ma parole pour obtenir la vôtre, mais il faut conserver à l'esprit que la mienne est également à acquerir. En effet, cette opération requererait que ce soit vous qui puissiez prendre mon échine pour cible depuis un donjon..."
Satisfait que la rôdeuse ne se laisse détailler du regard, son esprit faisait tout de même planer un risque sur ma vie, un esprit par trop libre s'averait dangereux pour ma vie, ainsi il fallait que la confidence soit réciproque.

"Allons, il me faut davantage qu'une parole. Ma confiance ne vous est acquise, pas plus que je n'ai la vôtre, à quoi me fier, si ce n'est aux paroles d'un individu habilité à tromper?"

Parlant ad nauseam il est vrai, je portais toute mon attention sur l'assassin, interessée, certes, mais même ma forfanterie se taisait lorsque se dépeignait la figure de geôles dans lesquelles je gisais alors que telle opération, aussi outrangeante, était fomentée, risquant de m'y entrainer si bien que je pourrais en perdre la vie.

*Il y a trop de chances qu'on m'attrape et me mette aux fers, mon tout beau.*

"Vous craignez pour votre sécurité? Si vous ne vous pensez capable de darder quelques sentinelles de flèches hors de portée de tout regard, alors je suis dans le droit d'émettre quelques doutes quant à votre talent, et votre profession. Ce ne serait lui faire honneur."
Regardant l'elfe, l'assassin restait imperturbable, ne s'emportant pas même aux mots de la femme, qui certes énoncés en dehors de toute reflexion n'en étaient au moins irreverencieux, et auraient pu être légitimes si la situation dans laquelle voulait la placer le spadassin s'y était prêtée.

"Pfff, votre plan a tellement de failles qu'une faction toute entière s'y engouffrerait, assassin."

Cet homme m'attaquait sur l'égo, cela ne faisait aucun doute, je me devais d'avouer que ses piques m'irritaient, mes poings me démangeant de ficher une flèche entre les yeux de ce meurtrier pour lui assurer mes compétences, mais je me retins, ainsi qu'un rire nerveux, bien que mes yeux ne laissaient paraître qu'une expression froide, et vindicative en ce cas.

"Quid de vos capacités, si vous êtes tant incompétent que vous ne pouvez passer une garde, assassin? Mon honneur n'a rien à y faire, mais le votre si, si j'en juge à vos propos concernant la rétribution annonçant clairement qu'une foi suffit à vous jeter dans telle situation, sieur."

"Si votre bourse sait se satisfaire de cela, soit. Mes capacités surpassent celles de ces sentinelles, individuellement, mais de concert surpassent les miennes, je l'avoue, aussi quel interêt aurais-je à vous mentir, rôdeuse? J'ai ma foi, à vous de saisir qu'elle n'est que bonne, elfe."
La rôdeuse avait assurement raison, mais lle spadassin tint bon, demeurant calme, alors qu'en ce cas il ne devait jouer qu'avec le bon vouloir de l'elfe, sachant en jouer ainsi que cela lui avait été enseigné, et qu'il l'appliquait avec tant de brio qu'il en était devenu assassin de haute réputation.

Je soupirais, portant mon regard au coin de la ruelle nous apparaissant en oblique, enfin se tenant dans le dos de cet assassin, mais voyant semble-t-il un milicien approcher m'avançais d'un pas vers l'humain, approchant mes lèvres de sa joue droite, et passant ainsi à côté du capuchon couvrant sa tête, lui répondant avec langueur, d'une voix suave, bien que mon regard traduisait fidèlement que ce n'était que ruse, afin de paraître anodins alors que la sentinelle se rapprochait de quelques pas, et que mes bras apssaient autour du cou de l'assassin, l'enlaçant pour que de mes bras nos deux figures soient assez dissimulées pour qu'un soldat peu hardi ose s'y attarder.

"Soit, assassin... Mais deux chose: où et quand nous mettons-nous à l'ouvrage, et, bien que je n'y accorde qu'une importance logistique, quel est votre nom, enfin si toutefois vous avez une désignation en tant que meurtrier..."

Laissant paraître un éphémère sourire, l'assassin hôcha légèrement de la tête, enthousiasmé que la rôdeuse accepte finalement de prendre part à cette operation, et répondit ainsi sans sourciller à ses interrogations.
"Vu votre prestation, je suppose que vous n'avez de demeure ni de chambre pour l'instant dans cette ville. Etant de même, je vous expliquerai davantage au crepuscule de ce jour, sur la place de la cité, vous n'aurez en principe pas de mal à la trouver. De là, je vous trouverai moi-même, puis nous pourrons peaufiner cette 'esquisse de plan', comme vous vous plaisez à la nommer."